Rikiu était en train de regarder son fils Shoan qui balayait et arrosait l’allée à travers le jardin. « Pas encore assez propre », dit Rikiu, quand Shoan eut fini sa tâche, et il lui ordonna de la recommencer. Après une heure de travail, le jeune homme se tourna vers Rikiu : « Père, dit-il, il n’y a plus rien à faire. J’ai lavé trois fois les marches, j’ai versé de l’eau sur les lanternes de pierre et sur les arbres ; la mousse et les lichens brillent d’un vert tout frais ; et je n’ai pas laissé sur le sol une brindille ou une feuille. » — « Jeune fou, gronda le maître de thé, ce n’est pas ainsi qu’une allée doit être balayée. » Et, disant ces mots, Rikiu descendit dans le jardin, secoua un arbre et répandit partout des feuilles d’or et de pourpre, bribes du manteau de brocart de l’automne  ! Ce que Rikiu exigeait, ce n’était pas seulement la propreté, mais encore de la beauté et du naturel.

Okakura Kakuzo — LE LIVRE DU THÉ p. 73